Déprime hivernale de merde

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déprime hivernale

Ouais, je sais, le titre vend trop du rêve mais j’en ai tellement plus rien à foutre à ce stade. J’ai besoin de chier ma chiasse donc d’avance, pardon tout plein si ça pue un peu du cul par ici.

Dimanche après-midi. Ca fait un mois que j’entends mes voisins d’à côté se hurler dessus tous les jours. Avant, c’était moins souvent. Mais avant, il faisait moins froid. Donc je suppose qu’ils sortaient… Mes voisins d’à côté, pas ceux de mon immeuble, sont des cas sociaux par excellence. Ils vivent à je ne sais pas combien dans un 65m² avec un chien et des gamins. Le père passe son temps à hurler, à insulter les êtres vivants qui l’entourent. J’entends leur chien couiner plusieurs fois par jour. Il y a souvent des descentes de flics à 4h du matin parce qu’en plus, ils dealent de la drogue. Pour l’éponge émotionnelle que je suis, c’est pas super bon pour le moral mais pour le moment ça va. Je mets mon casque pour écouter de la musique, je regarde la télé, je me plonge dans un jeu vidéo. Je détourne mon attention sur autre chose. Mais je sais, j’entends qu’ils sont là, qu’ils tapent dans les murs, qu’ils hurlent. Ca, c’est le contexte immédiat. J’y peux rien, c’est comme ça. Je pourrais déménager mais j’ai pas la thune pour trouver un appart aussi grand pour moi et mes deux chats. Ma situation économique n’étant pas prête de changer, à part céder à mon envie de défoncer leur porte, de leur exploser le crâne avec mon marteau puis de leur arracher les cordes vocales avec mon couteau japonais, je vois pas trop quoi faire. (Ne me parlez pas des flics, dans le quartier, s’ils servaient à quelque chose, ça se saurait)

Il fait froid, ça fait chier, j’ai la peau qui craque et qui fait mal, le nez qui brûle puis qui saigne. J’y peux rien, je suis génétiquement pas faite pour supporter des températures inférieures à 7°c, je le sais, je me protège comme je peux mais y’a pas de miracle, faut attendre que les températures remontent et ça ira mieux. En attendant, je déprime parce que j’en peux plus du froid, de pas voir le soleil, de ne pas pouvoir me ressourcer grâce à ses rayons,… Ca me semble assez évident : je souffre du syndrôme de Bohort.

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Puis ces derniers temps, après presque trois ans dans la même boîte, je me demande si je suis légitime. Fake it until you make it qu’ils disent les gens autour de moi. Moi-même je l’utilise cette expression à mes stagiaires. Je leur dis qu’ils sont capables, capables de faire les choses ou capables de convaincre un employeur de leur laisser une chance pour qu’ils puissent prouver qu’ils sont capables de faire le job. Au début, j’étais persuadée que je faisais les choses correctement. J’étais fière de mon job, de ce que j’accomplissais, je me sentais légitime, je me sentais presque porteuse de bonnes pratiques. J’avais les arguments, les exemples, les témoins,… tout pour me rassurer et me donner raison. J’étais sûre que j’étais compétente. Dernièrement, c’est moins sûre. Mais il te faut le contexte si t’arrives en milieu du film. Donc voilà l’histoire : sur le papier je suis formatrice mais sur le terrain, en vrai, je suis coach. La différence réside dans la nuance que je n’enseigne rien, je motive les gens à apprendre par eux-même. Je sais que j’excelle dans la matière parce qu’au bout de quelques mois de formation, je comprends plus rien à ce que mes stagiaires racontent, je ne comprends pas ce qu’ils font. La preuve que je fais bien mon boulot réside bien dans la dernière phrase : ils m’ont surpassé largement techniquement et malgré leur syndrome de l’imposteur, j’arrive à les convaincre qu’ils cassent des culs et qu’ils vont trouver du taff. Et le pire, c’est qu’ils trouvent du taff.

Mais récemment, j’ai rencontré un formateur d’un autre centre de formation qui est une brutasse technique. Mon syndrome de l’imposteur, que j’avais banni de mon palais mental, a trouvé un moyen de revenir me hanter. Le gars est seul et réussit à accomplir en 6 mois ce qu’on a du mal à faire à plusieurs en 2 ans.

Mais je me disais “Meuf, t’es pas techniquement une brute mais humainement t’as une putain d’empathie, tu sais trouver les mots, tu as le pouvoir de regonfler l’égo d’une moule en fin de vie, on peut pas te l’enlever”. Et là, un de mes stagiaires est arrivé avec une histoire personnelle. C’est pas la pire des histoires que j’ai pu entendre. Franchement, j’ai entendu pire et je sais que j’entendrai bien pire durant ma vie. Mais je crois que j’étais pas prête à ce moment-là d’entendre ça. Et ça m’a bousillé. J’étais en plein deuil (je devrais mettre plein de pluriel dans ce bout de phrase) et je pouvais pas encaisser davantage de tristesse, d’inquiétude, de “la vie c’est de la merde”. Depuis, je redoute le moment où un de mes stagiaires va s’approcher de moi en me demandant s’il peut me parler en privé juste 5min.

Si je n’ai pas la technique, si je n’ai plus l’empathie, que me reste-t-il ?

Et puis y’a eu la rencontre d’un collègue. Le messie que j’attendais depuis des mois. Une autre version du coach doué d’empathie qui chie des licornes, ne jure que par l’Amour de son prochain et l’acceptation les uns des autres. Et forcément, alors que moi je galère depuis des semaines à me lever pour mes stagiaires, lui se présente comme la version améliorée de ce que j’ai toujours fait, ce que je prêche auprès de mes collègues. Mon ancien moi est tellement contente de l’avoir comme collègue. Mais mon actuel moi se sent comme une merde de pas pouvoir apprécier comme je devrais son arrivée parmi nous.

Parce que récemment, je me pose la question… Est-ce que c’est si bien que ça de prôner la sécurité, un espace safe pour nos stagiaires si, une fois à l’emploi, ils tombent dans un environnement de travail où leurs collègues sont des requins sacs à merde élitistes et compétitifs qui n’hésiteront pas à utiliser leurs histoires personnelles contre eux ?

J’avais subi le même questionnement quand j’avais fait un speech sur l’importance d’instaurer un environnement exempt d’attitudes sexistes, racistes, homophobes, islamophobes,… et qu’on devait ouvrir sa gueule et condamner les agissements toxiques plutôt que la fermer et les subir. Des collègues m’avaient dit “mais c’est pas leur rendre service que leur faire croire qu’un tel environnement est possible”. Et je leur avais répondu : “A BeCode ça a été possible. Et quand j’ai été victime de propos sexistes, j’ai ouvert ma gueule et ça a payé. Et plus jamais je la fermerai parce que ma voix compte. Si un connard a le droit de l’ouvrir, j’ai le droit de lui dire qu’il m’offense.” Et basta.

Mais là, comment tu fais pour instaurer dans ton job une ambiance poney rainbow unicorn bubblegum ? Aucune loi n’interdit aux gens d’être des trous du cul (alors que les propos discriminatoires sont punis). Donc est-ce que je leur rends vraiment servir à être trop “humaine” avec eux ?

A titre vraiment personnel, je me pose la question de mon influence sur mes proches. Ca fait des années que je m’entoure mentalement de la positive énergie de pas mal de figures publiques. Leur humour, leur amour, leurs messages. Ca m’aide à garder la foi, à me dire que l’amour, les câlins, qu’aider les gens, c’est bien, que ça peut nous permettre de survivre à tout, même et surtout aux situations de merde. Mais comme je disais, et si j’avais tort. Et si justement, il fallait laisser les gens dans leur merde pour qu’ils apprennent à en sortir tout seul ?

Comme moi, aujourd’hui, qui me suis mise à chialer comme une gourde pendant des heures, inconsolable, bloquant un couteau de cuisine du regard, me demandant si j’aurais les couilles d’aller jusqu’au bout cette fois-ci. Parce qu’à quoi bon au final… La colère, la stupidité, l’inhumanité les pulsions de destruction des uns l’emportent toujours sur la joie, la volonté de bien faire, la patience et la compassion des autres. Si en voulant faire “le bien”, je faisais plus de mal qu’autre chose, à quoi bon continuer à se raconter des histoires, à se convaincre que c’est tout à fait faisable d’emprunter un chemin de merde avec des pantoufles multicolores qui sentent la lavande.

La pleine conscience de l’inutilité, de l’incompétence et du fait que je fasse chier le monde.

Je ne peux plus le nier puisqu’on me l’a dit très explicitement. J’avais déjà des soupçons avant. Je ne suis pas idiote, je vois les regards de certains. Mon hyper émotivité fait chier les gens. Le plus souvent ça s’exprime par un rire trop sonore, par des bonds parce que quand je suis contente, j’ai 4 ans et je saute partout, par des câlins quand je suis contente de voir des gens que j’aime bien. Et parfois, je rouspète parce que je suis stressée ou parce qu’on m’emmerde. Je ne sais pas cacher mes émotions. J’ai beaucoup travaillé à minimiser leur expression mais je n’arrive pas à être complètement imperméable, à être insensible, à m’en foutre. Et donc ce collègue m’a prévenu : “les gens ne voudront plus être auprès de toi si tu continues comme ça parce que t’es fatiguante. T’auras plus d’amis à force”.

Si de toute façon je leur apporte rien de positif aux gens, ils auront bien raison de me tourner le dos, t’sais.

Je vais me faire pleurer une dernière fois aujourd’hui en mettant un gif de Lil Bub, mon messie perso, qui nous a quittés y’a presque deux mois. Pour moi, elle est (je laisse au présent exprès) la preuve qu’avec de la détermination, une attitude positive et de l’amour, on peut faire des miracles. Même si je crois avoir perdu la foi ces dernières semaines.

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Written on January 26, 2020