16h33

humeur

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Quand j’étais petite, il allait partout à vélo. Il avait un fauteuil pas super confortable mais très pratique qu’il accrochait derrière son vélo, de sorte que mes petites jambes ne touchent pas les sacoches qu’il y avait sur le côté et de sorte que je lui mette pas mes pieds dans le cul. On allait dans son jardin voir les poules, voir les plantations. Il me faisait sentir les plantes qui poussaient, il me montrait comment il les arrose, il me disait de faire attention parce que les poules ça pique (surtout le cul). Des fois après (ou avant la mission aux jardins, je sais plus), on allait aux commissions. On y allait à vélo. Toujours. Jusqu’à ce qu’il achète sa voiturette. On allait de moins en moins aux jardins, on allait plus souvent faire les courses (et au Leroy Merlin). Mais il lui restait son jardin derrière la maison et ses cages à lapin. Puis un jour, je suis revenue chez lui et y’avait plus les cages à lapin. La semaine dernière, il a planté du basilic dans le jardin. Le genre que tu mets dans un sandwich au saumon avec un peu de pécorino et de l’huile d’olive. Alors peut-être que c’est péché (et j’en ai vraiment rien à battre) mais ça aura été mon dernier truc pour apprécier son basilic frais.

Cette chanson me fait penser à lui, à l’évolution de sa vie durant la mienne. Du fait que sa maison, qui était toujours ouverte, soit aujourd’hui équipée de pleins de gadgets, d’électronique, d’alarmes, qu’on se force à fermer toutes les portes à double tour. Et on ne peut donner tort à personne. C’est l’évolution logique de nos vies, de sa maison, de ses jardins, dans un monde qui bouge, face à une politique mondiale qui ne lui plaisait pas.

Je me rappelle la petite fleur qu’il m’a appris à dessiner avant même que je ne sache écrire, les premiers mots en italien qu’il m’a enseignés, son rire quand il avait fait ou dit une connerie, sa manière de chanter dans son garage quand il était exaspéré, son entêtement à nous foutre la messe à la télé tous les dimanches matin. Sa manière d’encadrer les rituels quotidiens, avec entre autres les horaires, la manière de faire à manger, tout ça nous a vite fait défaut car on ne s’en rendait pas compte mais sans lui, c’est le chaos. J’étais et je suis loin, comme la grande majorité d’entre nous, et même si je suis en paix avec son départ, égoïstement, comme les autres je pense, je ne peux me résoudre à l’idée que plus jamais je ne le reverrai.

Je veux retrouver le vent dans mes cheveux, la sensation de vitesse, le bruit des glinglings sur les rayons, le sentiment de liberté quand j’étais derrière lui à vélo.

Merci pour la famille que tu as fondée, pour les principes que tu nous as transmis, pour les histoires que tu nous as racontées, pour ta bienveillance, ta gentillesse, ta tendresse, ton amour des bonnes choses, merci pour ce père que j’ai et que tu as élevé.

Merci pour tout.

Written on July 24, 2016